Le Rwanda : un beau petit pays revenu de nulle part...
- jpln56
- 8 févr. 2019
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 oct. 2022
Le Rwanda compte 12,5 millions d'habitants, la capitale Kigali 1 million. Les rwandais parlent le kinyarwanda. C'est une ancienne colonie belge, comme le Burundi et le Congo voisins. De ce fait le français est encore beaucoup parlé ainsi que l'anglais bien sûr dont l'enseignement est obligatoire depuis 2010, supplantant le français. Il y a environ 45% de catholiques, 35% de protestants et 12% d'adventistes. La monnaie est le franc rwandais. Le Rwanda est grand comme la Bretagne avec 4 fois plus d'habitants. Le changement de décor est radical, la végétation est tropicale, le climat est doux.
Avant le génocide.
Les premiers colons furent allemands à la fin du XIXème siècle, suivis des belges vers 1920 jusqu'à l'indépendance du Rwanda en 1962. Les français deviendront alors les principaux partenaires du pays surtout pour leur vendre des armes et former les troupes rwandaises, c'est une opaque spécialité bien française en Afrique.
Traditionnellement, la population rwandaise était structurée en une vingtaine de clans composés notamment des Tutsis, des Hutus et des Twa. Avant l'arrivée des belges, une monarchie régnait sur le pays, constituée par des tutsis, sur lesquels s'appuyèrent les belges pour diriger le pays, les hutus étant considérés comme inférieurs mais majoritaires en nombre. Les belges obligèrent les rwandais à avoir une carte d'identité sur laquelle figurait l'appartenance au clan, soit hutu, soit tutsi, soit twa. Cette ségrégation exacerba les haines et fut le début d'un conflit qui se terminera dans un bain de sang.
La revendication d'indépendance des Tutsi en 1957 incita les Belges à renverser leur alliance au profit des Hutu. En novembre 1959 éclate une guerre civile qui entraîne le départ en exil dans les pays voisins de 300 000 Tutsi. La majorité hutu prend le pouvoir, avec le soutien des autorités coloniales belges et de l'Église catholique. Après l'indépendance en 1962, les Tutsi, élèves et professeurs, sont systématiquement expulsés de l'enseignement, quelques-uns massacrés dans les établissements scolaires. Ces événements provoquent une nouvelle vague d'exode des Tutsi. Entre 1987 et 1994, des livraisons régulières d’équipement militaire vers le Rwanda seront effectuées par la France. Le Crédit Lyonnais et la BNP ont accordé des prêts aux autorités rwandaises hutus pour un achat illégal d'armes. L'argent n'a pas d'odeur, surtout pour les banquiers. En 1990, les tutsis reviennent en force dans le pays. Le journal rwandais Kangura, organe de propagande du pouvoir hutu, publie le 10 décembre 1990 les "Dix commandements du Hutu", texte raciste qui appelle à la haine anti-Tutsi. La France maintien son soutien politique, militaire et financier au pouvoir hutu pour chasser les tutsi, bien que consciente que le génocide est planifié. La MINAUR, mission de paix de l'Onu, arrive dans le pays pour maintenir l'ordre en décembre 1993. Un cessez le feu est obtenu et un accord de paix est en cours de discussion en Tanzanie en vue d'intégrer les tutsi au pouvoir.
Le génocide en 1994.
Le 6 Avril 1994, l'avion présidentiel rwandais, offert par la France (!) est abattu par des missiles à l'approche de l'aéroport de Kigali où il prévoyait d'atterrir. Les présidents rwandais et burundais se trouvaient à bord, l'équipage était français. Deux hypothèses sont considérées à l'origine de l'attentat : les extrémistes hutus et les extrémistes tutsis, les uns et les autres opposés à diriger le pays ensemble. A ce jour aucune hypothèse n'est vraiment avérée. Un gouvernement provisoire est mis en place sous l'égide de la France. Ce gouvernement lance le génocide des tutsis, un génocide perpétré par l'armée et par la population...
800 000 morts de avril à juillet 1994, 100 jours. Soit 8 000 morts par jour. 300 000 morts rien qu'à Kigali, soit 3000 morts par jour. Un massacre sous les yeux des troupes de l'Onu qui voyaient le sang dégouliner des rues de la capitale !
Les femmes étaient humiliées, battues, violées, finalement abattues sous les yeux de leur famille. Des hommes porteurs du sida étaient sélectionnés pour violer les femmes et leur transmettre la maladie ainsi qu'à leurs futurs enfants. Ces femmes-là étaient laissées vivantes. Les enfants regardaient pendant que leurs parents étaient torturés et tués sous leurs yeux avant que leurs petits corps ne soient découpés, écrasés, et abandonnés.
Il n'y avait aucune distinction dans l'horreur, bébés, enfants, femmes, hommes, personnes âgées, tous les tutsis devaient être non seulement tués, mais massacrés le plus horriblement possible. Les voisins se retournaient contre leurs voisins, des amis contre leurs amis, mêmes les familles contre les membres de leur propre famille. Des maris hutus étaient forcés de tuer leurs femmes tutsis, et ensuite leurs enfants mis au monde par une tutsi, pour finalement être eux-mêmes exécutés en tant que traitres. Une boucherie dans les maisons, dans la rue, à la machette, à la hache, au gourdin, menée par des tarés fous furieux... Les pauvres tutsis étaient démembrés, découpés, écrabouillés. Les souffrances ont été terribles, dévastatrices. Mourir est une chose, la terreur qui la précède en est une autre, inimaginable. Le génocide du Rwanda est considéré comme le génocide le plus "efficace" du XXème siècle.


Les malheureux tutsis se sont réfugiés dans les églises, cherchant la protection de Dieu. Des portes ont été ouvertes par des prêtres hutus, plus de 30 000 tutsis ont été massacrés dans les églises catholiques du pays. Merci Seigneur. Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Voilà c'est fait, t'es content ?
Le pays était devenu une nation de tueurs barbares, des sauvages déferlant les rues la haine au corps, des sadiques sans pitié. Des victimes innocentes. Le Rwanda puait la mort.
La France et l'église catholique ont exfiltré des responsables politiques, militaires et religieux pour les soustraire à la justice internationale. Nonobstant, le président de l'époque a été condamné à la prison à vie. Le cerveau du génocide, un colonel, a été condamné à 35 ans de prison. Plusieurs ministres et militaires de haut rang seront également condamnés à 30 ou 35 ans de prison. Des prêtres et des sœurs bénédictines seront aussi condamnées pour complicité. Des bourreaux seront condamnés à plusieurs années de prison. A leur sortie certains sont retournés vivre dans leurs quartiers ou dans leurs villages...
Il y eu beaucoup d'enquêtes pour essayer de se donner la conscience tranquille, mais la France et l'ONU n'ont jamais été jugées. Circulez il n'y a rien à voir, laissez les puissants tranquilles.
Comment sortir d'un abîme si profond ? Une bonne gouvernance, le pardon et l'intelligence des rwandais ont contribué à pacifier le pays d'une manière étonnante. Aujourd'hui le Rwanda est montré en exemple au sein de l'Afrique pour sa bonne gouvernance, et la qualité de vie dans le pays. Le taux de pauvreté est passé de 35% à 16% en dix ans, le taux d'alphabétisation est de 85%. Les Rwandais bénéficient d’une sécurité sociale, d’un congé de maternité payé, d’infrastructures médicales modernes, d’une lutte anti-corruption en constante progression, d’une sécurité absolue dans tout le pays, d’une propreté supérieure à la plupart des villes européennes, d'un réseau routier à plus de 90 % asphalté et entretenu, d’un réseau Internet 4G et de la fibre optique. Vous ne verrez pas un seul sac plastique à travers le pays, ils sont interdits, à l'épicerie ou au marché on vous donne des sacs en papier. Le Rwanda est considéré comme étant le 7ème pays le mieux géré dans le monde. Inimaginable !
Mais comme ailleurs, rien n'est gagné. Une dérive autoritaire semble se dessiner, le président Kagamé a changé la constitution pour se représenter une troisième fois, voire plus. La liberté de la presse est bafouée et l'opposition est réprimée. En 2017 Kagamé a remporté les élections avec un score de 98,6%, un score de dictature. Faut-il s'en inquiéter ? Je n'ai entendu aucune critique négative à son encontre...
Le mémorial du génocide à Kigali est le lieu le plus visité du pays. Quand on en sort, on a envie de ne plus rien faire de la journée...et on n'est pas fier d'être français.
Voici le Rwanda 25 ans après le génocide.
Kigali.
La ville est à 1500m d'altitude. Ce qui m'a le plus étonné en arrivant à Kigali, c'est la topographie de la ville bâtie sur des collines, la ville est vallonnée et verte, chaque espace libre est gazonné et planté d'arbres divers. Il y a des parcs et la ville est propre, des trottoirs en bon état partout, une circulation qui n'est pas anarchique, le parc automobile est de bonne qualité.

La ville se modernise, des bâtiments à l'architecture nouvelle sortent de terre. Le centre ville est tout petit et l'hyper centre est piétonnier. Les rwandais utilisent beaucoup les moto-taxis, moi aussi du coup. Pourquoi s'en priver, une course revient à 0,50€, le casque est obligatoire pour tous et pas plus de deux personnes par moto.

Nyanza.
J'ai pris la direction du sud en minibus et deux heures plus tard j'arrive à Nyanza. Le Rwanda est dénommé "le pays aux mille collines". On comprend pourquoi en le parcourant, il y a des collines partout. Les maisons sont éparpillées dans ces collines dont la végétation est constituée de bananiers, d'eucalyptus, de cultures en terrasses, dont de belles rizières verdoyantes.

Lors du génocide, il y a eu 25 000 morts à Nyanza, dont 94 ont été massacrés dans une des églises à la sortie de la ville. Un monument liste le nom des victimes à quelques mètres de l'église.
Même à la sortie d'une petite ville de province, les rues sont belles, les trottoirs soignés, bordés d'arbres en fleurs.

On vient à Nyanza pour voir le palais du roi. Nyanza fut la dernière résidence du royaume rwandais jusqu'en 1959, un roi qui ne gouvernait plus. La maison du roi est une grande hutte couverte de paille. L'architecture intérieure est belle et impressionnante.


Le lait tient une place importante au Rwanda, j'ai d'ailleurs pu constater qu'il y a beaucoup de laiteries à Nianza. Il est transporté à vélo dans de grands pots à lait. C'est ainsi qu'on voit de jeunes hommes dévaler les pentes avec leur chargement bien attaché pour éviter la catastrophe.

S'il y a du lait, il y a forcément des vaches. Au Rwanda, la vache a une valeur de prestige, un signe de respectabilité et la garantie d'une stabilité sociale. Donner en dot une ou plusieurs vaches est encore aujourd'hui une pratique courante. Elle peut aussi être offerte en signe d'amitié. Il y a plusieurs races dont une étonnante par l'ampleur et la beauté de ses cornes, les vaches Ankole. Il y a un million de vaches au Rwanda.

C'est ce qu'on appelle prendre le taureau par les cornes !...

Butare.
Je continue doucement ma descente vers le sud jusqu'à Butare, une ville moyenne. La ville n'a pas vraiment de charme, il faut en sortir à pied, dans la campagne, là où sont les rizières.

Je n'ai pas vu un seul homme travailler, ils étaient allongés dans l'herbe non loin de là, plaisantant avec les femmes occupées à travailler dur, habillées en tenue de ville, jupe et tee-shirt.... Que des femmes donc, plutôt de bonne humeur à mon approche.

Pourtant elles sont dans la fange. J'ai toujours été admiratif des hommes et des femmes travaillant dans les rizières, certainement un des travaux de la terre les plus besogneux. Dans les parcelles les plus avancées, la récolte a commencé.


Le lac Kivu.
Le Congo.
Ou plus exactement la République Démocratique du Congo (RDC). Je n'y suis pas allé mais il est là devant moi. Le port au premier plan est au Rwanda. Au second plan, c'est le Congo et l'immense ville de Bukavu, un million d'habitants.

Le Rwanda, comme le Burundi, le Congo, l'Ouganda, le Kenya et la Tanzanie, est situé dans ce qu'on appelle en Afrique la région des Grands Lacs. Le lac Kivu en est un. Il est orienté nord-sud, il fait 90km de long et 45km de large à 1460m d'altitude. En son milieu une île de 40km de long, la plus grande île sur le continent africain. C'est un lac frontière, la moitié est du lac est au Rwanda, la moitié ouest est au Congo. J'ai prévu de faire trois étapes au bord du lac dans le sens sud-nord, toujours côté rwandais.
Cyangugu.
Tout d'abord Cyangugu à l'extrémité sud du lac, une ville frontière. J'ai trouvé par hasard un bel hôtel surplombant le lac et on m'a donné une chambre avec vue. Quelle vue !

Le lac est profond, 480m. Il renferme dans ses profondeurs des gaz, du CO2 et du méthane. Ces gaz pourraient être libérés un jour sous forme d'éruption. C'est donc un lac à risque pour les populations environnantes.


C'est un bel endroit, au calme. La ville domine le lac du haut des collines. Il y a des pêcheurs évidemment, mais le lac n'est pas poissonneux. Ils ne sont par conséquent pas nombreux. Ils pêchent la nuit. J'ai beaucoup aimé cet endroit, à la fois joli et fort agréable.

Kibuye.
Durant le génocide, Kibuye fut le théâtre d'atroces massacres. 11 400 tutsis furent exécutés dans le stade, et au moins 2 000 personnes massacrées dans l'église Saint-Jean, sur ordre du préfet qui a été condamné à perpétuité.
La ville de Kibuye est située au centre de la rive est du lac. Le lac Kivu est la destination touristique préférée des rwandais et des voyageurs étrangers. C'est une station balnéaire avec de très beaux et très chers hôtels.

Dans un endroit aussi beau, il faut bien choisir son hôtel, en fonction de l'emplacement et de sa bourse. J'ai trouvé ce qu'il fallait, un bel ensemble architectural avec des toitures en tuiles rouges, à prix doux, situé sur les hauteurs avec une vue imprenable (photo de droite)


Une grande et belle presqu'île s'avance dans le lac, les contours sont très découpés, il y a une centaine d'îles à proximité. On peut faire une belle rando autour de la presqu'île et les points de vue sont époustouflants. Les pêcheurs sont un peu plus nombreux, j'ai vu leurs prises, des petits poissons pour la friture, pas de quoi faire un gueuleton. Le gouvernement rwandais a décidé d'introduire des animaux sur les îles pour maintenir la biodiversité. On y trouve des vaches, quelques chèvres et une famille de singes règne sur un îlot.

Évidemment, une sortie en bateau s'imposait. Naviguer entre les îles a été un vrai moment de plaisir. Pendant trois heures avec des haltes sur quelques îles dont l'île Napoléon dont la forme rappelle le tricorne de l'empereur (au fond sur la photo de gauche). On peut monter au sommet de l'île d'où on a une vue à 360° sur le lac.


Ce matin-là, le reflet du ciel nuageux donnait au lac une couleur bleu métallique. Le lac Kivu est un vrai bijou !

Dans le milieu professionnel du tourisme, j'ai rencontré des rwandais sympathiques, voire très sympathiques. Dans la rue aussi mais c'est différent, c'est loin d'être la majorité des cas. J'ai croisé beaucoup de rwandais le visage fermé, le regard dur, impassible, hostile. Faut-il y voir un rapport avec l'attitude des "blancs" pendant la guerre civile et le génocide ? Sans doute. C'était il n'y a pas longtemps, 25 ans seulement.
Les gorilles.
J'approche des montagnes du nord du pays, là où vivent les gorilles chers à la légendaire Diane Fossey qui y a consacré sa vie. La rencontre avec les plus grands singes dans la jungle n'aura pas lieu. Elle coûtait 750$ mais en juillet 2017, le gouvernement rwandais a décidé de faire payer l'accès 1500$ (1300€), le double ! Le nombre de visiteurs est limité à 10 personnes par jour, et l'observation des gorilles dure...une heure, ça fait cher de l'heure ! Ce sera donc sans moi. En Ouganda, c'est deux fois moins cher, et encore moins cher au Congo. Peut-être pour un deuxième voyage en Afrique.
Gisenyi.
C'est ma troisième étape au bord du lac Kivu. Gisenyi est sur la rive nord du lac, c'est une ville frontière avec Goma, sa voisine congolaise. C'est aussi une station balnéaire, avec une plage assez belle, sans plus. C'est le lieu de rendez-vous des riches habitants de Kigali et des congolais de Goma.


Ici aussi on propose des tours en bateau. Il ne faut pas s'en priver c'est beau partout même si c'est moins beau qu'à Kibuye qui détient la palme.


Le Rwanda est un beau petit pays que j'aime beaucoup pour sa végétation tropicale, sa douceur de vivre, sa qualité de vie, la qualité des hébergements, la propreté exemplaire...Et le lac Kivu !


Je vais passer la frontière terrestre pour aller découvrir le pays voisin dont j'ignore tout. L'Ouganda.





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